Affaire Matata Ponyo : « Ne pas juger un ancien premier Ministre et/ou un Président honoraire pour des infractions commises lors de l’exercice de leurs fonctions est une consécration de l’impunité » [Éric Kamba]
« Pourquoi la cour constitutionnelle et la Cour de cassation déclarent -elles leur incompétence pour juger un ancien Premier Ministre ?», Tribune d’Éric Kamba, Coordonnateur de l’ASBL CADA ( Congo Action pour la Diplomatie Agissante )
Pour répondre à la question de savoir pourquoi la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation se déclarent incompétentes pour juger un ancien Premier Ministre, et par ricochet semblent donner le message au prévenu qu’il peut dorénavant agir en toute impunité, nous avions regroupé le détournement présumé de Matata Ponyo et celui de Vital Kamehre. Ces deux crimes ont un dénominateur commun.
Les détournements présumé des fonds de projet Bukanga Lonzo par Matata Ponyo, l’ex -premier ministre et celui de près de 50 millions de dollars par Vital Kamerhe, ancien directeur de cabinet du chef de l’état ont un dénominateur commun, la cupidité et l’ingérence politique qui faussent la balance de la justice et fait payer le prix aux citoyens de la RDC.
Tout est parti du rapport de l’inspection générale des Finances (IGF) de la RDC conclu et publié en novembre 2020, rapport selon lequel 205 millions de dollars sur 285 millions, décaissés par le Trésor public pour le parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, un projet pilote à 250 kilomètres au sud-est de la capitale, avaient été détournés.
L’ancien Premier ministre accuse d’auteur intellectuel de détournement des deniers publics continues à nier et contester les faits lui sont reprochés jusqu’à nos jours.
La Cour constitutionnelle s’était déclarée incompétente pour juger le prévenu et a transmis le dossier à la Cour de cassation.
Mais cette dernière, faisant face encore à une exception d’incompétence, s’est tournée vers la Cour constitutionnelle en interprétation de la disposition sur le juge pénal du Président de la République et du Premier Ministre.
Aujourd’hui, la cour de cassation vient à son tour déclarer son incompétente pour juger Matata Ponyo
Tout en nous rappelant la déclaration universelle des droits de l’homme, qui énonce en particulier les principes de l’égalité devant la loi, de la présomption d’innocence et du droit qu’a toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial créé par la loi, nous tenons à souligner ici que le fait de ne pas juger un ancien premier Ministre et ou un Président honoraire pour des infractions commises lors de l’exercice de leurs fonctions est une consécration de l’impunité.
Pas plus tard qu’une semaine, les états unis d’Amérique ont surpris le monde en interpellant un ancien président, Mr Donald Trump à répondre devant la justice dans un procès pour viol.
Comme vous le savez, aux Etats-Unis tous les citoyens sont nés égaux sur le plan des libertés fondamentales et des valeurs humaines.
Les principes démocratiques y sont appliqués sur toutes les sphères de la vie. Il n’y a ni grand ni petit citoyen. L’égalité de traitement devant la loi est l’un des fondements des sociétés démocratiques.
La déclaration de la Cour de cassation sur l’affaire Matata Ponyo donne l’impression a l’opinion publique, aussi bien nationale qu’internationale qu’il y a au Congo deux systèmes de justice ; un pour les riches et l’autre pour les pauvres et que l’influence inappropriée sur l’impartialité du processus judiciaire et des décisions de justice va jusqu’à s’étendre sur les juges pour obtenir une décision favorable, ou une absence de décision.
Alors qu’aux Etats unis par exemple, « Nul n’est au-dessus de la loi », au Congo, c’est tout simplement l’inverse.
Un pays où un groupe d’individus qui se croit supérieur s’emploie à dominer les autres.
Dès lors qu’on accepte cela comme principe, on ouvre la voie aux brimades, corruptions et autres violations des droits de l’homme. Au Congo, il manque l’esprit de responsabilité collective, ce qui donne lieu à un goût effréné pour le matériel, c’est-à-dire l’enrichissement personnel au détriment du progrès collectif.
Ce qui manque à la classe politique congolaise c’est bien cette capacité de comprendre que les biens publics n’appartiennent pas aux individus qui animent à certain moment les institutions de l’Etat.
C’est aussi le cas de Vital Kamerhe, ancien directeur de cabinet et allié du président qui était Condamné à vingt ans de prison pour détournement de près de 50 millions de dollars, alloués à la construction de maisons préfabriquées pour des militaires et des policiers, dans le cadre d’un programme qui devait lancer le mandat du président Tshisekedi, qui s’est vu « totalement acquitté » en appel au motif : « qu’Il n’y a pas de preuve de détournement contre lui »
Quand les tribunaux sont corrompus par la cupidité et l’ingérence politique, l’état de droit n’existe pas.
Notre pays souffre de la qualité des hommes qui le dirigent. Le drame du Congo, c’est que n’importe qui peut devenir du jour au lendemain président de la République.
Le népotisme bat son plein, les avantages, les postes sont donnés aux membres de familles, des amis, les mêmes prédateurs ou les gens de leur cercle rapproché au détriment des processus de sélections ordinaire basés sur le mérite.
Face à la corruption judiciaire qui crée l’idée d’impunité et sape l’état de droit, il est plus que temps de revoir les immunités et exceptions accordées par la loi aux anciens Présidents de la République et premiers ministres.
Toute personne qui commet un crime doit répondre des actes et des faits qu’il a personnellement commis.