Chute programmée du gouverneur de la ville de Kinshasa ? chronique de l’auto-destruction pragmatique d’une majorité hétéroclite(tribune de Melchisedek Karume)
Querelles d’egos ? Combat des coqs ? Règlements de comptes ? Boulimie du pouvoir ? On ne sait plus vraiment par quel bout prendre la volée de bois vert subie actuellement par Gentiny NGOBILA, jusque-là figure de proue de la famille politique du Chef de l’État congolais, à qui le Gouverneur disgracié de la ville de Kinshasa ne manquait pas de réserver des louanges dansantes avec le refrain : » Fatshi na Fatshi, Béton na Béton « . L’engagement de Gentiny NGOBILA au service de celui qu’il avait juré de servir comme un fils sert son père, ainsi qu’au service de sa vision, celle du peuple d’abord avait l’air de ne souffrir d’aucune ambiguïté. Marché central, Hôpital de référence de Kinshasa, des kilomètres des routes remplissent les états de service du soldat Ngobila au service de Félix Tshisekedi.Pourtant, au vu des derniers développements de l’actualité à l’hôtel de ville de Kinshasa, l’on ne peut pas valablement soutenir que les noces entre Gentiny NGOBILA et les faucons du sérail présidentiel, tous de la tribu du Président réélu, soient des plus idylliques.
GÉNÉALOGIE D’UNE CONJURATION KINOISE AUX ACCENTS TRIBAUX
Tout commence avec la rébellion du Vice-gouverneur de Kinshasa Gerard Mulumba, dit Gécoco, qui décida un jour – Dieu seul sait pourquoi – de s’émanciper de la tutelle de son titulaire, en se jetant à pieds joints dans les bras de celui qui tenait à se faire passer pour le pir ennemi du patron de l’exécutif provincial de Kinshasa, en l’occurence le Président de l’Assemblée provinciale, l’excentrique Pasteur Godé Mpoy. Dans la foulée, une réconciliation de façade fut organisée, sans succès, entre ces deux anciens complices qui avaient jadis, pendant plus de quatre ans, l’habitude de se congratuler mutuellement et de se défendre becs et ongles. De l’avis des observateurs avisés, Godé Mpoy avait beau jeu de se défiler à l’heure du bilan, en filant toutes les patates chaudes à son ancien complice et allié inconditionnel, sur fond d’algarades cultuelles abracadabrantesques.Quoi qu’il en soit, le script de la déchéance de Gentiny Ngobila était déjà en train de se mettre en place, grâce notamment au sponsoring inespéré d’un ancien député provincial frondeur de la majorité à l’Assemblée provinciale de Kinshsasa, désormais tout puissant vice-premier ministre, ministre de l’intérieur et sécurité, Peter Kazadi, lui aussi lubaphone.
DENIS KADIMA EN QUATRIÈME LARRON ? ?
Les fins limiers les plus brocardeurs des tabloïds paraissant dans la capitale congolaise n’ont, du reste, jamais voulu rater l’occasion de souligner le dénominateur commun entre tous les trois premiers conspirateurs déterminés à se payer le premier citoyen de la ville, à savoir leur tribu. Et la coupe de leurs sarcasmes ne fera que déborder lorsqu’un autre frère de tribu, cette fois-ci Président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), y ira de son estocade.En effet, la bronca de la clameur publique contre les candidats surpris en flagrant délit d’utilisation abusive des Dispositifs Électroniques de Vote (DEV), communément appelés machines à voter, et contre d’autres candidats dépositaires de l’autorité de l’État qui n’hésitaient pas à mettre au pas les agents électoraux, avait fini par décider la CENI de sanctionner sévèrement les candidats récalcitrants. Sauf que de tous les présumés coupables cités en boucle sur les réseaux sociaux, le gouverneur de la ville de Kinshasa semblait ne pas éveiller le moindre soupçon. À l’analyse, dans la circonscription électorale de la FUNA où l’hôtel de ville de Kinshasa avait concentré l’essentiel des travaux de voirie et de construction innovante des nouvelles routes carossables, Gentiny NGOBILA n’avait manifestement pas de concurrents à sa taille, et par conséquent ne disposait d’aucune raison objective de cornaquer à son avantage les préposés de la centrale électorale, ni de recourir à la fraude. Auquel cas, ça aurait fini par se savoir dans la très braillarde ville de Kinshasa, peuplée des utilisateurs de smartphones à l’affût du moindre dérapage. C’est dans le district de la FUNA que les hauts faits d’armes du gouverneur Ngobila ont le plus été les plus visibles, à l’instar de l’avenue Bongolo et son pont éponyme dans la commune de Kalamu, l’emblematique avenue Elengesa reliant le boulevard By-pass à l’avenue Kasavubu dans les communes de Makala, Ngiri-Ngiri et Kalamu sur plus de 13 kilomètres, l’avenue Ngiri-Ngiri dans la commune du même nom, l’avenue Kikwit qui désenclave les communes de Lemba, Ngaba, Makala et Ngiri-Ngiri, l’avenue Makanza reliant d’un trait la commune de Bandalungwa à l’avenue de l’Université en passant par les communes de Ngiri-Ngiri et Kalamu, l’avenue Shaba en plein revêtement dans les communes de Kasavubu et Ngiri-Ngiri, l’avenue Birmanie dans les communes de Bumbu, Ngiri-Ngiri et Kasavubu, l’avenue Ngambela dans l’axe Kasavubu et Ngiri-Ngiri, pour ne citer de mémoire que ces artères jadis impraticables.Toutefois, à la surprise générale, le nom de Gentiny Ngobila et celui du secrétaire général de son parti politique vont paraître sur la liste de 82 candidats invalidés par la CENI. C’est peu de dire que le prétexte tant espéré par le trio Mulumba Gécoco-Godé Mpoy-Peter Kazadi pour débusquer leur ennemi commun est arrivé comme du pain béni sur la table du Ministre de l’intérieur qui ne boudera pas son plaisir pour écarter Gentiny Ngobila, et frayer par le fait même la voie au frère de tribu Gérard Mulumba, alias Gécoco.
UNE BALLE DANS LES PIEDS ?
Toujours est-il que selon une certaine tradition vivement ancrée dans les mentalités kinoises, il est de bon ton que le locataire de l’hôtel de ville de Kinshasa soit originaire de l’ancienne province de Léopoldville, composée du Grand Bandundu, du Kongo-Central et de la ville-province de Kinshasa. Au tout début de la troisième République, le MLC de Jean-Pierre Bemba, de loin très populaire à Kinshasa, s’était fait battre dans la course au gouvernorat de Kinshasa par l’AMP de Joseph Kabila, pour n’avoir pas respecté cette coutume. Le Candidat MLC Adam Bombole, originaire du Grand Équateur, avait alors mordu la poussière face à André Kimbuta, ressortissant du Grand Bandundu. L’on se souviendra par ailleurs que le prédécesseur de Peter Kazadi au Ministère de l’intérieur, Daniel Aselo, est considéré comme étant à la base de la résurgence des atavismes tribaux encore à l’oeuvre dans le grand Katanga, après avoir nommé plusieurs kasaïens dans la territoriale locale, y compris à l’emblematique mairie de Lubumbashi. Ce qui fait dire à nombre d’analystes que le président réélu, du reste kinois de naissance, aurait intérêt à se passer de la polémique précoce créée par ses corrégionaires, surtout que le gouverneur incriminé de la ville de Kinshasa est, quoi qu’il fasse, fin mandat, et donc sur le départ. À quoi bon de s’encombrer des accusations, somme toute légitimes, de flagrant délit de favoritisme tribal, alors que la raison commande que l’on puisse laisser tous les artisans de la victoire éclatante du Président de la République fêter son investiture à l’unissons ? L’ivresse du pouvoir n’est-elle pas déjà en train de pousser certains faucons du sérail présidentiel rd-congolais à tirer inutilement une balle perdue dans les pieds de l’imperium ? L’avenir nous en dira plus.
NGOBILA, VICTIME EXPIATOIRE IDÉALE ?
Toute révolution, certes, finit par bouffer ses propres enfants. Néanmoins le timing de la persécution sacrificielle du chef de fil de l’Union Sacrée de la Nation (ndlr : plateforme politique acquise au Président Tshisekedi) dans la capitale interroge. Car, de toute évidence, il serait illusoire, voire présomptueux, de croire que la Ville de Kinshasa serait mécaniquement acquise au pouvoir. Sous les tropiques africaines, le décalage entre le train de vie des apparatchiks et la misère ambiante des classes populaires dans les villes abritant les sièges des institutions y ont toujours fait pencher la balance du côté des oppositions. À cela s’ajoute l’incapacité chronique des gouvernements à tenir leurs promesses de mieux-être dans des capitales de plus en plus populeuses, à cause notamment de la modicité des ressources budgétaires. Et Kinshasa n’échappe pas à la règle. La vérité est que le Gouverneur Ngobila semblait avoir trouvé la formule magique pour tourner en bourrique l’opposition farouche emmenée par un Martin Fayulu tout feux tout flamme, qui a fini par s’entremêler les pinceaux. En effet, pour anesthésier l’opposition, Gentiny NGOBILA a su faire preuve d’une capacité de mobilisation à nulle autre pareille des couches les plus défavorisées. À lui tout seul, son parti politique pouvait remplir comme un œuf le Stade des martyrs, là où un œcuménisme de l’Union Sacrée de la Nation (USN), grassement stipendiée, était nécessaire pour reproduire l’exploit. Qu’on l’aime ou pas, Gentiny Ngobila a eu comme un don inné de réduire l’opposition congolaise à sa plus simple expression et de requinquer le pouvoir en détresse. La question est de savoir quel message les frères de tribu du Chef de l’État veulent envoyer aux défenseurs acharnés du pouvoir en ce début de deuxième et dernier mandat constitutionnel du président de la République, en humiliant de la sorte le »warrior » Gentiny Ngobila ? L’illusion du pouvoir a souvent été de penser qu’il est un totem d’invincibilité. D’où la nécessité d’accroître sans cesse sa sphère d’influence lorsqu’on tient le gouvernail, sans jamais s’aliéner les alliés inconditionnels. À bon entendeur…