Félix Tshisekedi et la géopolitique de la lucidité : pour une diplomatie agissante au service de la souveraineté congolaise.(Tribune de Jean Thierry Monsenepwo)

59 ieme tribune
Par Ambassadeur Jean Thierry Monsenepwo
La signature, ce 25 avril 2025 à Washington D.C., d’une Déclaration de principes entre la République Démocratique du Congo et la République du Rwanda, sous l’égide des États-Unis d’Amérique, marque un tournant majeur dans la posture diplomatique congolaise. Loin d’un simple acte de façade, ce geste consacre une doctrine : la RDC n’est plus un sujet passif des relations internationales, mais un acteur souverain, stratège et proactif.
À travers cette séquence, le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo confirme son approche d’une diplomatie de responsabilité, adossée à des constantes républicaines : la souveraineté nationale, l’intégrité territoriale, la non-ingérence et le refus de toute forme de renoncement aux exigences sécuritaires du pays. La déclaration de Washington, en effet, n’est ni une compromission historique ni un relâchement de la vigilance d’État : elle institue un cadre d’engagement conditionné, encadré et séquentiel, où la sécurité précède la coopération, et où la confiance ne peut naître que de la preuve.
Il faut, à ce stade, se départir des lectures superficielles et remettre en perspective le long chemin parcouru par le Président Tshisekedi.
Depuis son investiture, la crise dans l’Est du pays a occupé le cœur de son agenda présidentiel, au point d’en devenir la matrice de sa diplomatie. En quatre années, Félix Tshisekedi n’a pas ménagé ses efforts : multipliant les déplacements internationaux, sollicitant les capitales stratégiques, participant à toutes les tribunes diplomatiques pertinentes, de Paris à Doha, de Nairobi à Bruxelles, de Luanda à Addis-Abeba. Ses nuits ont été courtes, ses jours denses, son plaidoyer constant. Il fallait convaincre, expliquer, documenter, pour que le monde accepte enfin de regarder la vérité congolaise en face. Ce travail de patience et d’endurance diplomatique, souvent ingrat, est en train de porter ses fruits : jamais la communauté internationale n’avait été aussi alignée sur la position congolaise, et jamais les revendications sécuritaires de la RDC n’avaient trouvé un tel écho dans les cénacles de la décision mondiale. Le moment de Washington, en ce sens, est moins une rupture qu’un aboutissement — celui d’un leadership silencieux mais implacable, fondé sur la constance, la dignité et la conviction républicaine.
La position congolaise, réaffirmée avec rigueur par la Ministre des Affaires étrangères Thérèse Kayikwamba Wagner, s’enracine dans la Résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations Unies, exigeant le retrait sans délai des forces étrangères présentes sur le territoire national. Il s’agit d’un point de droit international non négociable, que le Congo n’a cessé d’invoquer avec constance et détermination.
Plus encore, cette diplomatie offensive s’inscrit dans une lecture moderne des rapports de force mondiaux : la RDC n’entend plus être perçue comme une périphérie en crise, mais comme un centre de solutions globales, notamment dans la transition énergétique et la gestion stratégique des minerais critiques. Cette vision projetée de la souveraineté, qui articule les enjeux de sécurité, de développement et de repositionnement économique, révèle l’ambition présidentielle : faire du Congo non pas un pays de plaintes, mais un pays de propositions.
Ce qui se joue ici, c’est une redéfinition du leadership africain. En acceptant la médiation américaine, le Chef de l’État a intelligemment réintroduit la RDC dans les sphères de décision globale, tout en fixant des lignes rouges claires : pas de paix sans sécurité, pas de coopération sans désarmement, pas de réconciliation sans vérité. Le dialogue, oui — mais dans la dignité.
Face aux scepticismes et aux surinterprétations, il importe de rappeler que la diplomatie est un art de la mesure : elle exige du sang-froid, de la hauteur, et parfois, une patience stratégique qui dépasse les lectures immédiates. Ce que certains qualifient à tort de concession est, en réalité, une consolidation du rapport de force à travers des instruments juridiques et des engagements vérifiables.
À ceux qui, dans un raccourci facile, rappellent que le Président Tshisekedi avait affirmé ne jamais négocier avec les pantins du M23, il convient de rappeler l’essentiel : le Chef de l’État n’a jamais exclu une solution politique globale, mais a toujours refusé de légitimer des groupes armés en tant qu’interlocuteurs directs sous tutelle d’un pays étranger, donc en dehors de leurs parrains étatiques. Or, l’acte diplomatique signé à Washington ne consacre pas le M23 comme acteur légitime, mais renvoie explicitement le Rwanda — son véritable sponsor — à ses responsabilités historiques et actuelles. Le Président est ainsi resté fidèle à sa ligne de conduite : la paix et la vérité se construisent entre États, et non avec leurs marionnettes.
Il faut également rappeler que depuis l’entame de son mandat, le Président Félix Tshisekedi a toujours ouvert la voie à la paix avec les groupes armés congolais dans la partie Est du pays. Dès le processus de Nairobi, le M23 était concerné et invité à s’inscrire dans une dynamique de réconciliation nationale, mais a choisi de s’en écarter pour se placer ouvertement sous la tutelle du Rwanda. Aujourd’hui, en se détachant de leur soutien rwandais, ces groupes comprennent que la seule voie viable reste celle du processus de paix voulu par Kinshasa. Ils ont donc choisi la voie du chef de l’état, en cessant d’être des pantins.
Après toute guerre ou tout affrontement, l’histoire montre que l’on atterrit toujours sur une paix des braves, faite de dialogue et d’échanges. Qu’il s’agisse des Première et Seconde Guerres mondiales, ou d’autres conflits majeurs, cette logique s’est toujours imposée. Il est donc naturel que, cette fois encore, le dialogue vienne clore ce chapitre douloureux.
Mais la différence essentielle, sous la conduite du Président Félix Tshisekedi, est d’avoir attaqué l’origine même du mal : Kigali. Et à ce jour, le pari est en passe d’être gagné.