Justice historique : le Sénat lève l’immunité de Joseph Kabila

Le Sénat congolais a levé, ce jeudi, l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, ancien président de la République et sénateur à vie. Cette décision intervient après un réquisitoire du procureur général près l’auditorat militaire, agissant sur injonction du ministre de la Justice, sollicitant l’autorisation de poursuites judiciaires contre lui pour complicité présumée avec le mouvement rebelle AFC/M23.
Les sénateurs, réunis en séance plénière, ont voté majoritairement en faveur de cette levée d’immunité, ouvrant ainsi la voie à des poursuites judiciaires contre l’ancien chef de l’État. C’est une première dans l’histoire du Congo qu’un ancien président soit exposé à des poursuites judiciaires.
Depuis deux ans, le président Félix Tshisekedi accuse publiquement son prédécesseur d’être impliqué dans le soutien à l’AFC, un mouvement rebelle dirigé par Corneille Nangaa, actif dans les provinces de l’Est, notamment à Bukavu et à Goma. Joseph Kabila et ses collaborateurs, à plusieurs reprises, nié toute implication et demandé au président Tshisekedi d’apporter des preuves tangibles. Son entourage considère ces accusations comme une stratégie politique visant à ternir son image.
La décision du Sénat repose en grande partie sur les témoignages d’Éric Kuba, ancien assistant de Corneille Nangaa. Arrêté en Tanzanie puis extradé à Kinshasa, il aurait affirmé, dans une vidéo devenue virale, que Joseph Kabila et d’autres figures politiques soutiennent l’AFC. Il évoque également une conversation téléphonique entre Kabila et Nangaa depuis l’Ouganda, au cours de laquelle aurait été évoqué un projet d’assassinat du président Tshisekedi, projet que ce dernier aurait déjoué.
Jusqu’à présent, Joseph Kabila et sa famille politique n’ont pas officiellement réagi. Toutefois, plusieurs de ses partisans dénoncent un « scandale » et une « violation des lois », estimant qu’un Congrès (réunissant les deux chambres du Parlement) aurait dû être convoqué pour lever l’immunité d’un ancien président. Ils y voient une provocation directe à son encontre.
Cette décision, aux allures de tournant politique majeur, risque de faire couler beaucoup d’encre. Reste à voir quelle sera la réaction de l’ancien président et à quoi aboutira ce procès inédit dans l’histoire congolaise.
Abudu Yawolo