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Lettre ouverte au ministre Tony Mwaba par Mr l’Abbé Léon WEMAMBOLO

Excellence et Warrior,

S’il nous faut une excuse, nous en avons une; celle-ci : il fallait vous écrire. Sans vouloir faire du tapage ( car le bruit ne fait pas du bien, nous le savons), il nous a semblé bon de vous faire part de notre inquiétude, notre profond regret. Sans être plus autorisé, plus compétent ou même plus averti, nous vous écrivons cette lettre qui n’est autre chose qu’une recherche de justice, un effort de réflexion et de pensée sur la situation calamiteuse de l’enseignement au sein du Territoire de KATAKO KOMBE dans la Province du Sankuru.

Excellence et Warrior,

Hier, le 30 Mai 2022, au stade des Martyrs, le décor était planté pour célébrer, avec faste, la journée nationale de l’enseignement. J’aimerais savoir, Excellence et Warrior, de quoi est-il question ? Peut-on parler de la journée de l’enseignement urbain ou bien de la journée de l’enseignement congolais tout court? J’y reviendrai plus tard. A Kinshasa on a fêté, dansé, crié, sablé le champagne…mais au coeur du Congo, à KATAKO KOMBE, les enseignants murmurent, pleurent et grincent les dents. L’inquiétude sans cesse grandissante de ces pauvres enseignants n’a pas tardé à se transformer en interrogations: sommes-nous dans une même République ? Où va le salaire des enseignants de ce coin du Congo pour qu’ils fassent autant de mois sans le toucher ? On ne fait pas la fête, dit-on, quand ça brûle chez les voisins!

Excellence et Warrior,

Permettez-moi, homme du droit, de vous rappeler cette disposition constitutionnelle qui se passe de tout commentaire : « Aucun Congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif, en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence , de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique. » (Article 13 de la Constitution).
Aujourd’hui, il existe dans ce pays, notre chère Patrie, dans le ministère de L’EPST, une violation cinglante de cette disposition de notre Loi fondamentale : la discrimination dans le traitement des enseignants. Un enseignant des milieux urbains doit toucher un salaire supérieur à son collègue des milieux ruraux. J’ai honte. On le constate, on le dit, on le répète : le niveau de disparité dans le traitement des enseignants au Congo a atteint un plancher historique humiliant pour la Nation. Un désarroi ! Une désolation !

Excellence et Warrior,

A l’heure actuelle, il existe à KATAKO KOMBE, des millions d’enfants, de jeunes et d’adultes privés du droit fondamental à l’éducation à cause de cette gouvernance à tâtons. Ce droit à l’éducation, garanti par la Constitution, est violé chaque jour et de nombreux enfants restent prisonniers de la pauvreté et de l’ignorance. C’est horrible à dire!

Excellence et Warrior,

La crise des enseignants grévistes de KATAKO KOMBE, devenue proverbiale à travers le pays, a révélé ses nudités : deux semaines déjà sans enseignement. Les enseignants accusent quatre mois d’arriérés de salaire ! Pour se moquer d’eux, les agents payeurs viennent orgueilleusement avec deux mois d’arriérés au grand étonnement des chevronnés de la craie blanche. Avez-vous, Excellence, prévu un calendrier scolaire particulier pour les écoles de ce coin de la République ?

Excellence et Warrior,

La disparité dans la rémunération entre les « enseignants urbains supérieurs », et les » enseignants ruraux inférieurs », laisse à désirer et met très mal à l’aise. Pour être logique jusqu’au bout, peut-on un jour rêver de rémunérer les députés nationaux ressortissants des milieux ruraux, même d’un centime de moins, que leurs collègues issus des milieux urbains ? Je crains que le Congo ne soit divisé en fonction de ce nouveau critère de rémunération !

Excellence et Warrior,

L’histoire bégaie et les multiples conseillers qui vous entourent, ces hommes honorables, ne semblent plus avoir ni de l’inspiration ni de la boussole.Vos services de communication ont annoncé, depuis quelques heures, la hausse de salaire des enseignants à partir de ce mois d’avril finissant. Ils ont précisé : le salaire sera de 411.577.00 CD contre 168. 728. 00 CD en 2018. Bonne nouvelle ! Cependant, ils ont oublié une chose. La voici: dire à l’opinion que cette augmentation de salaire ne concerne que les enseignants des milieux urbains. Ou si elle concerne ceux des milieux ruraux, c’est toujours un peu inférieur aux » supers et dignes » enseignants des milieux urbains.

Excellence et Warrior,

Aucune raison, homme de droit, ne peut justifier cette décision arbitraire de vos prédécesseurs de triste mémoire ! Elle est non fondée et porte atteinte à la Constitution. Si un enseignant des milieux urbains doit payer le loyer, le transport, l’eau, l’électricité…celui des milieux ruraux a une kyrielle de besoins que le premier n’éprouve pas. A titre d’illustration, un enfant d’un enseignant rural qui va étudier en milieux urbains ne vit que de ce salaire dérisoire de son père !

Excellence et Warrior,

Voulez-vous laisser votre nom traîner dans la boue à cause de cette injustice criante? Voulez-vous que l’histoire retienne que vous avez hérité et cautionné la discrimination des enseignants des milieux ruraux ? Vous êtes aux commandes, vous avez tous les pouvoirs. Warrior et patron de l’EPST, le dernier mot vous revient pour mettre fin à cette décision arbitraire. Les hommes passent et les institutions de la République restent. Si vous corrigez cette injustice, croyez-moi, Excellence et Warrior, votre nom ne passera pas derrière le rideau de l’histoire. Il sera toujours vivant sur les lèvres de ces pauvres enseignants qui vous regardent d’un oeil implorateur. Un vrai pari! « L’histoire, avait écrit Lucien LEBVRE, est fille de son temps. »

Excellence et Warrior,

Nous devons avoir l’attention constamment éveillée aux signes des temps. Aujourd’hui, toutes les batteries de la République sont mises en marche pour apaiser le climat d’hostilité qui règne entre les ressortissants du Grand Kasaï et ceux du Grand Katanga. Ils se regardent en chien de faïence ! Faudra-t-il que les enseignants de KATAKO KOMBE envahissent les milieux urbains pour que leur cause soit entendue? D’où vient que votre ministère veut montrer, à tout prix, que les enseignants des milieux urbains sont plus congolais que ceux des milieux ruraux ? Ne voyez-vous pas, de loin, le danger imminent de l’exode rural tant décrié? Ce phénomène, actuelle bonne nouvelle de la vie au Congo, prend des proportions inquiétantes. Votre gouvernement, sous l’impulsion du chef de l’État, prône la théorie du développement à la base. Mais, concrètement, sur le terrain, vos décisions nagent à contre courant de vos beaux discours. C’est une situation anormale pour ne pas dire anomique. Pour guider les hommes, la compétence et le savoir-faire ne suffisent pas, il faut y ajouter une dose suffisante de justice. Nous sommes contre cette politique discriminatoire dans la rémunération des enseignants, car elle est déséquilibrée, géopolitique et ignoble.

Excellence et Warrior,

Votre réponse positive à la situation désastreuse de KATAKO KOMBE ne sera pas vue et considérée comme le fruit de la fanfaronnade et du triomphalisme tapageurs. Votre implication personnelle dans ce dossier éloignera de nous cette idée pessimiste : il n’y a rien de nouveau sous le soleil congolais: les mêmes causes produisent les mêmes effets. Oui, Excellence et Warrior, un Congo nouveau est possible. Un Congo où régnera l’égalité de tous les Congolais. L’espoir n’est pas interdit et les horizons ne sont pas bouchés. Les véritables outils du changement, dit-on, ne sont pas les institutions ; ce sont les valeurs dont vivent les hommes. Le développement à la base que votre gouvernement entend entreprendre sera un leurre sans éducation de qualité.
[Abbé Léon WEMAMBOLO]

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