« Arrêtez-moi Kabila et ramenez-le-moi » : Tshisekedi veut réaliser le rêve de son père

L’image reste gravée dans la mémoire collective congolaise. En 2011, dans la foulée d’une élection présidentielle fortement contestée, Étienne Tshisekedi, figure emblématique de l’opposition, refusait de reconnaître la victoire de Joseph Kabila. Du haut de ses convictions, il s’était autoproclamé président élu et avait lancé à ses partisans un appel devenu légendaire : « Arrêtez Kabila et ramenez-le-moi ! » Un appel symbolique qui, à l’époque, avait fait le tour du monde, illustrant l’opposition frontale entre le Sphinx de Limete et le raïs de Kingakati.
Quatorze ans plus tard, l’histoire semble vouloir lui donner une suite. Le fils, Félix Tshisekedi, aujourd’hui président de la République et détenteur d’une majorité parlementaire confortable, voit son prédécesseur Joseph Kabila désormais exposé à la justice. Le Sénat a levé les immunités parlementaires de l’ancien président, devenu sénateur à vie, et ce dernier est convoqué devant la Haute Cour militaire pour répondre de lourdes accusations : trahison, participation à un mouvement insurrectionnel, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, notamment en lien avec la rébellion de l’AFC/M23.
Pour de nombreux observateurs, la boucle est bouclée. Sur les réseaux sociaux et dans les milieux politiques, un refrain revient : « Tshisekedi veut réaliser le rêve de son père ». Une manière d’insinuer que l’actuel chef de l’État cherche à solder les comptes de l’histoire, à faire justice pour les humiliations d’hier, et à redonner du crédit à la lutte inachevée de son géniteur et de son parti, l’UDPS.
Mais cette démarche suscite aussi des critiques. Certains y voient une instrumentalisation politique de la justice, dans un contexte où la neutralité des institutions judiciaires est régulièrement mise en doute. D’autres encore estiment que la procédure judiciaire contre Joseph Kabila pourrait engendrer une nouvelle instabilité, dans un pays où la mémoire des crises politiques reste vive.
Une chose est certaine : la République démocratique du Congo vit une séquence historique sans précédent. Pour la première fois, un ancien président élu, encore vivant, doit répondre devant la justice. Un tournant symbolique, entre mémoire familiale, héritage politique et quête de vérité.
Abudu Yawolo