« La République jugera-t-elle son ancien roi ? le Sénat offrira-t-il la tête de Kabila ? »

Une page inédite de la politique congolaise pourrait s’écrire ce jeudi au Palais du Peuple. Le Sénat de la République démocratique du Congo va examiner le réquisitoire visant le sénateur à vie Joseph Kabila, ancien président de la République (2001-2019), soupçonné par le régime actuel d’avoir des liens avec la rébellion de l’AFC/M23.
La session s’annonce tendue, voire historique. Jamais un ancien chef de l’État n’avait été formellement visé par une telle procédure depuis la mise en place du Sénat en RDC. Le réquisitoire du parquet, transmis au bureau du Sénat, évoque des accusations graves : soutien supposé à une rébellion armée, atteinte à la sécurité nationale et complicité dans les violences ayant secoué l’est du pays.
Félix Tshisekedi, actuel président, a ouvertement accusé son prédécesseur d’être « derrière la rébellion », affirmant que les renseignements et les enquêtes en cours pointent une implication directe ou indirecte de Kabila dans la résurgence de la violence dans les provinces du Nord-Kivu et Sud Kivu
Pour certains observateurs, cette initiative judiciaire s’inscrit dans une volonté du régime Tshisekedi de solder définitivement les comptes avec l’ancien système. D’autres y voient un risque de glissement vers une instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
Dans tous les cas, la séance du Sénat sera très suivie. Les sénateurs devront décider s’il y a lieu de lever l’immunité de Joseph Kabila pour permettre à la justice de l’interroger officiellement. Un débat de fond s’ouvrira donc sur l’équilibre entre respect des institutions, justice, et mémoire nationale.
Si l’immunité est levée, cela pourrait marquer le début d’une série d’interrogatoires ou d’auditions dans le cadre de l’enquête élargie sur l’AFC/M23. Mais cela ouvrirait aussi un nouveau chapitre dans les rapports déjà fragiles entre les camps Kabila et Tshisekedi.
Le pays retient son souffle, et le Sénat est désormais face à sa responsabilité : trancher, non pas entre deux hommes, mais entre justice, stabilité et avenir politique.
Abudu Yawolo