Main tendue à Kagame : l’opposition crucifie Tshisekedi “le gâchis incarné”, “il a montré à la face du monde qu’il n’a aucun schéma pour ramener la paix” (Kabund, Sessanga, Iracan, Edeba, kikuni, Epenge, Kamitatu)

Le discours du Président Félix-Antoine Tshisekedi, prononcé à Bruxelles lors d’un forum international, continue de susciter un torrent de réactions à travers la classe politique congolaise. En tendant publiquement la main à son homologue rwandais Paul Kagame, le chef de l’État congolais a relancé un vieux débat : celui de la paix par la diplomatie ou par la fermeté.
« Il n’est pas trop tard pour bien faire les choses. Je prends ce forum à témoin pour vous tendre la main monsieur le Président, afin que nous fassions la paix des braves », avait déclaré Félix Tshisekedi, appelant Kigali à ordonner au l’AFC/M23 de cesser les hostilités.
Une phrase qui, pour certains, traduit une ouverture courageuse ; pour d’autres, une faute politique grave.
Indignation du FRC et de Lamuka
Parmi les réactions les plus virulentes, celle de Joseph Edeba, Président du mouvement Force Républicaine du Congo (FRC), qui dénonce une trahison nationale :
« Le geste du Président Tshisekedi s’inclinant devant Paul Kagame, l’homme accusé d’être le moteur de nos souffrances à l’Est, n’a rien d’une politique de paix. C’est une gifle à nos martyrs, une trahison envers nos soldats tombés, et une humiliation infligée au peuple congolais tout entier. »
Et de conclure :
« Le Congo mérite un Chef, pas un charmeur de bourreaux. Nous, nous choisissons la dignité, la résistance et le Congo debout. »
La coalition Lamuka s’est également interrogé :
« Qui a écrit le discours prononcé par Monsieur Tshisekedi à Bruxelles devant Paul Kagame ? », a ironisé Prince Epenge, fustigeant un manque de cohérence politique
Réactions d’opposants et d’anciens proches du pouvoir
L’ancien vice président de l’Assemblée nationale Jean-Marc Kabund s’est dit « choqué » :
« Dites-moi que ce n’est pas vrai, ce que je viens d’entendre. Si cela l’est, je me pose la question : dans quoi sommes-nous ? »
Pour Delly Sesanga, ancien député national et candidat malheureux à la présidentielle de 2023, le président congolais manque de ligne directrice :
« De la moindre escarmouche à ça… Tout ça pour ça ! Où est le sérieux ? Où est la ligne ? Le gâchis incarné. Le Congo mérite sans doute mieux. »
De son côté, Seth Kikuni, Candidat malheureux à la présidentielle 2023, a réagi avec ironie :
« ‘Adulte’ a décidé de tendre la main à Kagame une énième fois. To pekisa ye ? »
Le député Gratien Iracan a également exprimé ses réserves :
« Gouverner un pays meurtri exige cohérence, lucidité et sens du devoir. Le Président Tshisekedi vient de montrer, à la face du monde, qu’il n’a pas de schéma clair pour ramener la paix. »
Quant à Olivier Kamitatu, cadre du parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, il estime que le chef de l’État « parle beaucoup mais n’écoute personne » :
« L’heure n’est plus aux parades. Elle est à la vérité. Et cette vérité, tôt ou tard, finira par le rattraper. »
Le gouvernement défend la démarche présidentielle
Face à la vague de critiques, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a tenté de recadrer le débat. Pour lui, le Chef de l’État a fait preuve de hauteur :
« Le Président a fait le choix de la paix plutôt que celui des sanctions. C’est le choix de la grandeur. »
La main tendue de Félix Tshisekedi à Paul Kagame relance donc la question de la stratégie congolaise pour ramener la paix à l’Est. Si le président congolais plaide pour « la paix des braves », ses opposants, eux, y voient un signe de faiblesse et d’incohérence politique.
Entre diplomatie, mémoire des victimes et realpolitik, le débat est désormais relancé au cœur même de la scène politique congolaise.
Abudu Yawolo